Commentaire de Daniel 9

Interprétation de la vision des 70 semaines (p. 321-322)

Une « septaine » correspond à sept périodes de 360 jours. Une deuxième solution mathématique est proposée principalement par des auteurs dispensationalistes (Anderson, Barker, de Benoit, Hoehner, Pache, Phillips, Walvoord, Whitcomb). Elle consiste à prendre comme point de départ l’autorisation d’Artaxerxès, adressée à Néhémie, la vingtième année du règne de ce roi, en 445/4 av. J.-C. Cet édit correspond parfaitement avec la description donnée dans la vision. Lorsque Néhémie apprend que « la muraille de Jérusalem a des brèches, et ses portes sont brûlées par le feu » (Né 1.3), il pleure et prend le deuil. Quelques mois plus tard, « au mois de Nisan, la vingtième année du roi Artaxerxès » (Né 2.1), il exprime sa tristesse au roi au sujet de la ville dévastée (Né 2.3), et celui-ci l’autorise à rentrer au pays pour la rebâtir. Néhémie demande à Artaxerxès de lui écrire des lettres de recommandation pour les gouverneurs des provinces, afin de recevoir les matériaux nécessaires pour la reconstruction, ce que le roi lui accorde. La suite du récit décrit les oppositions auxquelles Néhémie est confronté. Tous ces éléments cadrent avec la vision qui annonce une « promulgation disant de rétablir et de reconstruire Jérusalem » (9.25). Le message précise aussi que « les places et les fossés seront rétablis et reconstruits, mais en des temps d’angoisse » (9.25).

La particularité de la seconde solution mathématique est de compter l’unité des septaines en jours. A l’époque, les années étaient composées de 12 mois de 30 jours ; une année comptait donc 360 jours. De nombreux calendriers fonctionnaient sur la base de 12 mois de 30 jours. On en a trouvé dans l’Inde ancienne, en Perse, en Babylonie, en Assyrie, en Egypte, en Amérique centrale et Amérique du sud, et en Chine (Hoehner 1977:135-6). Ensuite, pour éviter un décalage par rapport au cycle solaire, un mois intercalaire était incéré tous les six ans, de la même manière qu’un jour supplémentaire est inséré tous les quatre ans lorsque l’année est bissextile. Dans la Genèse, 5 mois sont équivalents à 150 jours (5x30), et dans l’Apocalypse, 42 mois valent 1’260 jours (42x30) : Ge 7.11 ; 8.3-4 ; Ap 11.2-3.

L’hypothèse avancée par Robert Anderson (1895) est que la mesure de base est de 360 jours et qu’il faut compter les jours plutôt que les années. Les 69 premières « semaines » représentent donc 69x7x360 jours, c'est-à-dire 173'880 jours. En termes d’années solaires, cela correspond à 476 ans et 25 jours. Si l’on compte 173'880 jours (c.-à-d. 476 ans et 25 jours) à partir du 14 mars 444 av. J.-C. (qui correspond au 1er du mois de Nisan de la vingtième année d’Artaxerxès), on arrive au 30 mars de l’an 33 ap. J.-C. (Hoehner 1977).

De plus, selon certains historiens, Jésus est mort en l’an 33 et non en l’an 30. Ils fondent leur position sur l’indication chronologique la plus précise concernant le ministère de Jésus, à savoir que Jean-Baptiste a commencé son ministère la quinzième année de Tibère (Lc 3.1), et que l’empereur a commencé à régner en 14 ap. J.-C. Cela signifie que Jean-Baptiste a commencé son ministère en 29 et non en 26. (Ces historiens reconnaissent que Tibère a partagé le pouvoir avec Auguste de 11 à 14, mais précisent aussitôt que les années de corégence n’étaient jamais comptées pour les empereurs romains.)[1]

La fête de la Pâque est fixée selon les indications fournies dans le livre de l’Exode. L’agneau pascal entre dans chaque famille juive le dixième jour du mois de Nisan, et l’animal est égorgé le quatorzième jour du mois, entre les deux soirs (Ex 12.1-6). Il est possible de montrer, selon les évangiles (et en particulier celui de Jean), que Jésus est entré triomphalement à Jérusalem le dixième jour du mois de Nisan et qu’il est mort le quatorzième jour, entre les deux soirs (Hoehner 1977).

Les 69 premières semaines couvrent donc au jour près la période qui sépare le premier jour de l’an 444 av. J.-C. (1er Nisan) de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, très exactement 173'880 jours. Néhémie dit qu’il s’est présenté devant Artaxerxès au mois de Nisan, la vingtième année de son règne (Né 2.1), mais il ne précise pas le jour du mois. Néhémie indique cependant qu’il craignait de paraître triste ce jour-là. Voulait-il dire qu’un serviteur ne devait jamais être triste devant le roi, ou voulait-il dire qu’il ne devait surtout pas être triste un jour de fête, comme le nouvel-an ?

Après la venue du Prince-Messie, la vision affirme qu’ « un messie sera retranché, et il n’aura personne pour lui » (9.26). Selon l’interprétation défendue ici, cela s’est produit quatre jours après !

La 70e semaine se déroule à la fin des temps. Elle couvre une période de 7x360 jours, soit 2’520 jours. Au milieu de cette période (c'est-à-dire après 1’260 jours), le prince qui a fait une alliance, « fera cesser le sacrifice et l’offrande ; [puis] le dévatateur ira à l’extrême des abominations » (9.27). Le livre de l’Apocalypse fait référence à la seconde moitié de ces 2’520 jours, car il est dit que la ville sainte sera foulée aux pieds pendant « 42 mois » (Ap 11.2), c'est-à-dire « 1’260 jours » (Ap 11.3). Là aussi, les mois sont comptés à 30 jours (42x30=1’260). L’Apocalypse revient deux fois sur cette durée pour décrire l’oppression de Satan. La femme est secourue par Dieu dans le désert « pour être nourrie pendant 1’260 jours » (Ap 12.6), et les profanations de la bête qui est sortie de la mer durent aussi trois ans et demi : « Il lui fut donné d’agir pendant 42 mois » Ap 13.5).



[1]     Selon l’évangile de Jean, Jésus a commencé son ministère peu après celui de Jean-Baptiste. En effet, lorsque les Juifs de Jérusalem envoyèrent des messagers à Jean-Baptiste pour le questionner sur son identité (cela a dû se produire peu après le début de son ministère au Jourdain), Jean répondit qu’il n’était pas le Messie (Jn 1.19-28). Selon le quatrième évangile, ces événements se produisirent quelques jours avant le premier miracle de Jésus à Cana, soit environ trois ans et demi avant sa crucifixion.